Source Valérie Lefort (lien)
En août   1995, alors qu'il a déjà violé et agressé plusieurs fois, il trouve à la ville de Paris un contrat emploi-solidarité comme   éboueur payé 3 500 F/mois et s’installe dans une petite chambre du  18e.  Le 25, dans l’escalier de son immeuble il   menace Mélanie de son couteau, lui ordonne d’ouvrir la porte, son   compagnon est là, Guy Georges s’enfuit et dans sa hâte, perd ses   papiers. Mélanie et son ami vont porter plainte, amènent le   portefeuille.. et le lendemain, Guy Georges se présente pour déclarer sa   perte! Ce n’est que le 9 septembre qu’il est arrêté, il nie, Mélanie  le  reconnaît et il finit par avouer, assurant qu’il ne voulait que voler, n’est condamné qu’à 30 mois de prison. Le caractère sexuel de l’agression, à nouveau (car il y a eu des précédents) n’est pas retenu.   Son sursis (ndlr, pour une autre agression sexuelle) n’est pas révoqué   et il passe encore entre les mailles du filet. Dans sa chambre  d’hôtel,  on a pourtant découvert des ciseaux et 3 rouleaux de sparadrap  de 3  marques différentes (ce qui évoque les meurtres commis en  appartement)  mais présenté en tapissage à Élisabeth la seule vivante  (elle avait  parlé d’un nord africain), elle ne le reconnaît pas. Bien  qu’un témoin  SDF ait précisé que l’agresseur d'Elisabeth était noir  métis, la police  n’en tient pas compte et ne demande pas de comparaison entre l’ADN de Georges et celui recueilli. Si   un fichier national ADN pour les délinquants sexuels avait existé en   France à cette époque il aurait été mis dès ce moment-là hors d’état de   nuire. Il réintègre donc tranquillement sa cellule le 19 sep pour purger ses 30 mois. Ce jour-là, il dû se sentir intouchable. 
En   prison, il affiche un profond mépris pour les “pointeurs” et n’avouera   jamais la véritable raison de son incarcération et encore moins des   précédentes. Détenu modèle, calme, sympathique et solitaire, il sort le 6   juin 97 après avoir bénéficié de 2 permissions en mars et en avril.   (Observons qu’il n’a pas frappé en 1996. A-t-il filé à l’étranger ?) Le 2   juillet 97, à peine 1 mois après sa sortie, il suit Estelle dans son   immeuble du 11e, la plaque contre le mur, la menaçant avec son couteau   puis l’entraîne dans la cour, elle hurle, des voisins apparaissent, il   s’enfuit. Elle porte plainte et le décrit (de type nord-africain avec   des cheveux courts.) La police ne fait pas le rapprochement avec les   deux meurtres et les agressions précédentes et classe l’affaire sans   suite sans retenir le caractère sexuel de l’agression à nouveau (et bien qu’Elisabeth ait parlé d’un nord-africain elle aussi.) 
En   août, il trouve un emploi dans un supermarché : alcool, hachisch et   nourriture. Sept, dans le 19e, il trouve également un boulot de   distribution de prospectus. Le 23 sept 97, il suit Magali Sirotti dans   la rue, pénètre dans son immeuble du 19e derrière elle, monte les   escaliers, la pousse dans son appartement, l’attache, la bâillonne, la   viole, pose un oreiller sur son visage, l'égorge et part en emportant   quelques objets. Cette fois, les enquêteurs ne trouvent pas d’ADN, mais   la mise en scène est une signature connue à présent. Il a emporté le   préservatif mais les policiers découvrent par contre une empreinte digitale identique à une autre retrouvée sur le lieu de l’un des meurtres de la série 1994-1995.    Ils pensent alors à diffuser le portrait-robot réalisé en 1995 par   Élisabeth et retravaillé depuis mais le juge Thiel refuse : la diffusion   pourrait alerter le suspect et affoler la population parisienne qui   en 98 ne sait pas encore qu’un tueur en série rôde dans les rues et   qu’il a déjà assassiné 6 jeunes femmes.. et qui ne l'apprendra que bien   plus tard. Ne pas avoir prévenu les gens pour ne pas les générer de   panique est une erreur grave, gravissime.
28   oct 97, Valérie est agressée au couteau dans l’escalier de son  immeuble  du 6e. Il fait nuit, elle est seule, (personne ne sait rien  des  assassinats en série), il la suit dans son immeuble et en haut de   l’escalier, la menace avec son couteau. Valérie ne se laisse pas faire,   s’accroupit devant la porte de sa voisine, protège sa tête de ses mains   et se met à hurler de toutes ses forces. Guy Georges s’enfuit, elle   s’enferme chez elle, tremblante, appelle la police et décrit son   agresseur comme un homme à la peau foncée, un métis d’une trentaine   d’années, athlétique et le crâne rasé. Les policiers ne font pas   réellement d’enquête sur cette agression comme pour Estelle alors qu’ils   doivent sûrement savoir qu’un assassin rôde dans Paris. (En 98,   lorsqu’il est arrêté, Valérie le reconnaîtra formellement.) Le 15 nov   97, 2 semaines plus tard, Estelle Magd est violée et assassinée dans son   appartement du 11e. Elle rentre chez elle vers 3 heures du matin après   une soirée entre amis, seule (la population n’est toujours avertie de rien),   il la suit, la menace de son couteau, entre, lui attache les mains  avec  des lacets, lacère ses vêtements, la viole, l’égorge.. et emporte  son  sac avec sa carte de crédit. Son corps est retrouvé 2 jours plus  tard. Du  sang laissé par le tueur sur un sweat-shirt permet d’isoler  le même ADN  que pour les meurtres d’Agnès Nijcamp et Hélène Frinking  et l’agression  d’Élisabeth. C'est en apprenant ce nouveau meurtre  que la mère de  Magali et les autres familles furieuses en appellent aux  médias. Et  c’est là qu’en comparant les dossiers, les policiers  comprennent que  l’homme qu’ils cherchent est l’auteur de 3 meurtres  pour lesquels ils  possèdent le même ADN (Agnès Nijkamp, Hélène Frinking  et Estelle Magd),  de 2 portant sa “signature” (Pascale Escarfail et  Magali Sirotti) et 2  autres ayant été commis dans des parkings  souterrains (Elsa Benadi et  Catherine Rocher). 
Les gens ont enfin connaissance de l’existence du tueur de l’Est parisien ce qui met en garde les jeunes femmes seules,  on parle des différentes victimes et du mode opératoire du tueur..   L’affaire prend une ampleur considérable, Tv etc.. un plus grand nombre   d’inspecteurs est affecté à l’enquête etc… Le 23 nov 97, le juge Thiel   accepte à contre-cœur de diffuser le fameux (mauvais) portrait-robot de   95 retouché par ordinateur (très différent de celui établi par   Élisabeth.) La police reçoit plus de 3 000 appels, étudie plus de 1 800   dossiers, interpelle une cinquantaine de maghrébins connus pour des   délits sexuels et fait appel à des “profilers” qui affirment que le   tueur est “un homme supérieurement intelligent, qui a de l’éducation et   n’est ni un rôdeur, ni un exclu”. 
Guy   Georges part alors au Mans et ne revient à Paris qu’en janvier 98 (3   mois après).. où il traîne dans les bars, vole dans les magasins etc..   Interpellé dans le 13e après avoir volé un scooter et s’être blessé le   nez lors d’une chute, photographié, il ressort libre ; à nouveau arrêté   en fév 98 lors d’une bagarre, et aussi relâché. 
Mais   le 24 nov 98, le juge Thiel donne mission à tous les labos privés   -Bordeaux, Strasbourg, Nantes et Grenoble- et à la police technique et   scientifique de comparer l’ADN masculin inconnu à ceux déjà contenus   dans leurs fichiers. Mais les fichiers ADN sont interdits. Il exige   alors à défaut qu’ils comparent UN A UN cet ADN à ceux qu’ils détiennent   dans leurs archives. Certains labos privés acceptent mais la police   technique et scientifique estimant que c’est illégal, refuse. Thiel leur   demande de consigner cette réponse par écrit ; elle sera versée au   dossier communiqué aux familles.. et ils acceptent enfin ! Trois mois   après… 
Et   c’est le 23 mars 98 à 19 h que le patron du labo de Nantes a un choc :   il a trouvé ! Le “tueur de l’Est parisien” se nomme Guy Georges. Depuis   1995, ses empreintes génétiques étaient archivées au labo après   l’agression de Mélanie mais le fichier permettant de centraliser toutes   les traces génétiques relevées sur les victimes et les condamnés pour   infractions sexuelles n’existait pas (le laboratoire de Nantes avait   donc dû le comparer aux 3 500 échantillons d’ADN en stock) et c’est la   fameuse formule des policiers adressée à leur chef "nous avons une   bonne et une mauvaise nouvelle ; la bonne c’est qu’on sait qui il est,   la mauvaise est que nous l’avions, et aussi ses empreintes –pour un vol   de mobylette- et l’avons lâché". 
Longtemps,   Guy Georges s’est cru et de fait fut intouchable. Et c’est alors qu’il   est monté en pression, comme toujours. Sur les 85 mois écoulés entre  le  premier meurtre et l’identification de son ADN, il en a passé 55 en   prison pour vols et agressions sur des femmes et jamais la   justice n’a fait le rapprochement avec le tueur. Sa situation de SDF   sans emploi fixe, son allure ne correspondant pas au portrait-robot de   97, l’éparpillement des procédures policières et une série de   négligences lui ont assuré 7 ans d’impunité pour ses 7 assassinats.   C’est aussi un tueur en série multi délinquant opportuniste (profil   étonnant mais pas si rare) qui agresse, viole, vole, escroque, cambriole   ou tue selon l’occasion. 2 meurtres au moins auraient pu être évités.    
La   crim’ se met en chasse, surveille les squats, la banque où est viré  son  RMI… il reste invisible mais le sur-lendemain à 7 heures, alors que  les  enquêteurs sont tous en planque, RTL révèle que le tueur en série est identifié et donne son nom, provoquant la fureur du juge et des policiers.   Tous les services sont mobilisés d’urgence, des motards distribuent 3   000 photos, Paris est quadrillée. Par chance, il n’a pas écouté RTL et   c’est peu avant 13 h que des inspecteurs de la Goutte-d’Or le voient   tranquillement sortir de la station Blanche et le serrent. Il ne se   défend pas. La traque est terminée. 
Placé   en GV au quai des Orfèvres, il avoue au juge Thiel les meurtres de   Pascale et de Magali mais nie les autres. Puis il nie tout et exige   qu’un seul juge soit nommé pour tous les meurtres (il y en a 3, Olivier   Deparis pour Magali Sirotti, Martine Bernard pour Pascale Escarfail et   Gilbert Thiel pour Catherine Rocher, Elsa Benady, Agnès Nijcamp et   Hélène Frinking, l’affaire Estelle Magd étant encore sous la direction   d’un substitut.) Or aucun ne veut se dessaisir : le parquet demande au   juge Deparis de se dessaisir au profit de Thiel, il refuse et se   dessaisit au profit de Bernard qui demande alors à Thiel (en charge de 4   affaires sur 7) de se dessaisir à son profit. Cela dure plusieurs   semaines avant que le juge Thiel soit nommé pour tous les dossiers. Le   29 mai 98, confondu par son ADN et après plusieurs d’interrogatoires,   Guy Georges avoue les meurtres d’Agnès Nijkamp, d’Hélène Frinking et   d’Estelle Magd mais nie être l’agresseur d’Annie, Estelle et Valérie   bien que celles-ci l’aient reconnu. Le 17 novembre, après plusieurs   heures, il avoue le meurtre de Catherine Rocher et… donne alors des   détails correspondant à celui d’Elsa Benady ! qu’il finira par avouer   également. Le juge est frappé par son manque visible de remords et   d’émotion, par sa froideur (il confond ses victimes, se montre incapable   de les reconnaître). Les psychiatres qui l’examinent le décrivent  comme  quelqu’un de “normal” et “cordial” au point qu’il les met mal à  l’aise,  mais relèvent qu’il présente une sorte de personnalité double,  comme si  ce n’était pas à lui que l’on reproche d’avoir assassiné 7  jeunes  femmes. L’équipe conclue qu’il n’est absolument pas fou et  extrêmement  dangereux. 
Et   le mardi 26 déc 2000 vers 5 h du mat, il tente de s’évader de la Santé   avec deux co-détenus ; c’est par hasard, en faisant leur ronde  quelques  minutes plus tôt que d’habitude que les gardiens les  interceptent. Placé  à l’isolement, il se tait. La  première  semaine du procès,  sourire aux lèvres, il continue de nier les  meurtres malgré les preuves  accablantes, affirme qu’il va parler aux  familles, change d’avis,  promet encore d’avouer plus tard etc.. Les  familles n’en peuvent plus.  Parfois, poussé dans ses retranchements, il  perd son contrôle et  s’emmêle dans ses réponses. Et enfin, le mardi de  la deuxième semaine du  procès, il reconnaît les 7 assassinats. (Il  continua à nier en revanche  3 des 4 agressions sexuelles). Son propre  avocat lui demande :  “Avez-vous tué Pascale Escarfail, Cathy Rocher,  Elsa Benady, Agnès  Nijkamp, Hélène Frinking, Magali Sirotti, Estelle  Magd ?”. A chaque nom,  Guy Georges, enfin troublé, répond un oui à  peine audible avant de  fondre en larmes pour la première fois. La cour  prend un peu plus de 4 h  pour rendre son verdict : coupable des 7  assassinats entre janvier 91  et nov 97. Coupable aussi pour la  tentative d’assassinat sur Élisabeth,  le viol d’Annie et l’agression de  Valérie (par contre, elle ne retient  aucune charge dans l’affaire de  l’agression d’Estelle en juillet 97 :  celle-ci qui ne l’a jamais  reconnu formellement, n’est pas venue au  procès) et il est condamné à  la prison à vie avec une peine de sûreté de  22 ans. 
A   la suite de l’affaire, Élisabeth Guigou fait voter la création d’un   fichier national regroupant les empreintes génétiques des délinquants et   criminels sexuels* condamnés et les traces retrouvées sur les  victimes.  La brigade criminelle imagine aussi la création d’un outil  informatique  de rapprochement systématique des affaires criminelles qui  viserait à  collecter tous les renseignements trouvés sur les scènes de  crime, de  disparitions suspectes et sur des cadavres non identifiés. 
*Notons   que cela n’est pas suffisant puisque c’est pour un vol de mobylette  que  Guy Georges aurait pu être arrêté et finalement est tombé  (peut-être  faudrait-il donc étendre ce fichier à tous les actes  délinquants,  l’exemple de ce cas montrant à l’évidence qu’un criminel  peut passer de  l’un à l’autre ?) 
D’autre part, il faudrait ici parler dès le début d’agressions de genre (non pas sexuelles mais agressions de femmes agressées en tant que telles) : l’affaire montre à l’évidence qu’une agression qui a pour but de violer peut aussi se coupler de vol et vice versa car nous ignorons tout de la motivation première de Georges…   et qu’il y a un point commun à toutes celles qui concernent des  femmes,  le délinquant, opportuniste, pouvant parfois se faire violeur,  voleur  ou assassin à la seconde même où il le juge nécessaire ou selon   l’inspiration. On observe ici qu’au moins 3 agressions sexuelles ont  été  déqualifiées en vol simple sur la seule parole de l’accusé (qui y  avait  tout intérêt évidemment) et contre celle des victimes : c’est de cette erreur d’interprétation qu’est venue le ratage,   pour un simple vol, inutile de comparer des ADN qui existaient  pourtant  dans les labos. Sur ce coup, Georges avait un temps d’avance  sur les  policiers et il ne n’est pas privé de l’utiliser plusieurs  fois. Il ne  faudrait pas qu’il fasse des émules.